Mardi 20 Juillet 1999

 

Je suis de retour à Seix, je suis venu en voiture cette fois-ci, je viendrai la récupérer dans quelques jours. J'ai préféré cette solution car c'est la galère pour aller d'Albi à Seix, changement de train avec une heure et demi d'attente à Toulouse, ensuite changement à Boussens où je dois prendre le bus après une bonne demi heure d'attente jusqu'à St Girons où je dois attendre une heure la correspondance pour Seix, en tout plus de 6 heures pour faire 180 km ! Arrivé sur le coup de midi, je m'alimente un peu et j'attaque la route qui me mènera au GR 10 dans 2 km environ. Il y a une vue magnifique sur le Mont Valier. Il fait chaud et lourd. Arrivé sur le sentier c'est un peu plus supportable car des passages sont ombragés, mais alors je suis envahi par des taons qui me harcèlent sans cesse, impossible de s'arrêter sous peine d'être dévoré vif par ces charmants insectes, même en marchant certains arrivent à me piquer. Ce calvaire durera près d'une heure et demi jusqu'à un passage en forêt . Heureusement en prenant de l'altitude ces sales bestioles se font de plus en plus rares. J'ai déjà épuisé ma réserve d'eau, d'après la carte je devrais arriver à une cabane à 1053 m d'altitude et près de laquelle se trouve une source. J'y parviens, mais malheureusement la source a été captée par les propriétaires de la cabane, l'O.N.F en l'occurrence, et bien sûr elle est fermée. A une cinquantaine de mètres de là, j'aperçois une jeune femme qui est occupée à observer des plantes et à prendre des notes, je m'approche d'elle et lui demande si elle ne connaîtrait pas un point d'eau dans le secteur, il se trouve qu'elle est stagiaire à l'O.N.F et qu'elle a la clé de la cabane et me propose gentiment de remplir ma gourde. Le temps se couvre et le plafond nuageux n'est pas très haut, le sommet du Mont Valier a disparu dans le brouillard. Il me reste 2h55 de marche d'après le topo-guide pour parvenir à la cabane de Aula à 1550m d'altitude où je compte passer la nuit. Le sentier serpente dans une forêt très inclinée et devient de plus en plus raide au fur et à mesure que je progresse. Arrivé aux alentours de 1500m, le brouillard fait son apparition, plus j'avance et plus il s'épaissit. C'est là que j'apprécie mon altimètre et ma carte au 25 millième. La visibilité est d'environ 10m, comment vais-je trouver cette cabane ? Je me trouve sur un plateau herbeux parsemé de rochers dont certains sont immenses et dans le brouillard ils ressemblent à une cabane et me provoquent des fausses joies. Le sentier n'est pas véritablement marqué. Au bout d'un moment je suis convaincu de l'avoir dépassé et je décide de faire demi tour et de ratisser en décrivant de larges zigzags entre le ruisseau  et une bande de 50 m environ , de cette façon je ne devrais pas la manquer, ce qui fut fait au bout d'une dizaine de minutes. Ce sont des moments que l'on apprécie que de se retrouver à l'abri dans de pareilles conditions, je me voyais mal monter ma tente, pourtant s'il avait fallu... La cabane est vide, il n'est pas loin de 19h, je m'installe tranquillement. Un quart d'heure plus tard arrivent deux autres randonneurs et visiblement ils sont très heureux d'arriver aussi. Il s'agit d'un couple de parisiens d'une soixantaine d'années qui font la traversée sur le GR 10 en deux fois, ils sont partis l'an dernier d'Hendaye et sont arrivés à Luchon d'où ils ont redémarré cette année. Ils comptent arriver à Banyuls vers le 15 Août. Ce sont de vrais randonneurs passionnés, ils ont le GR 20 de Corse, le tour du Mont Blanc et bien d'autres choses à leur actif. Lui c'est Marcel et il appelle sa femme "Beubeu" nous ne nous quitterons plus jusqu'à Aulus.

Mercredi 21 Juillet 1999

 

 6h45, je me réveille et première des choses, je vais voir à la fenêtre le temps qu'il fait. Un brouillard à couper au couteau, il ne serait pas raisonnable de partir dans ces conditions, nous décidons d'attendre, il se lèvera bien un jour ce satané brouillard. Il y a du bois dans un coin, j'allume un petit feu dans la cheminée histoire de se réchauffer un peu. La porte ferme mal et soudain nous avons une visite surprise, un cheval se tient dans l'encadrement et nous regarde avec curiosité, il n'est pas sauvage du tout et se laisse caresser, je lui donne un peu de sel que je dépose sur la marche d'entrée, il apprécie et lèche celle-ci, et il en redemande, je lui en redonne en l'étalant bien, cela l'occupera un petit moment, malheureusement pas suffisamment et nous le prions gentiment d'aller voir ailleurs car si on le laisse faire il va nous envahir la cabane. Le brouillard quant à lui ne nous lâchera pas de la journée et nous oblige à passer une seconde nuit dans cette cabane. 

Jeudi 22 Juillet 1999

 

Au réveil c'est la déception, le brouillard est toujours là, toutefois la visibilité est un peu meilleure, on arrive à percevoir des rochers à une trentaine de mètres. Nous prenons un petit déjeuner, avec sans cesse le regard en direction de la fenêtre, de temps en temps la tendance est à l'éclaircie. Je pense que nous allons tenter une sortie, d'autant plus que nous allons faire en montant puisque nous allons passer un col à 1998m et il y a de fortes chances que l'on passe au-dessus de cette purée de pois. Les sacs bouclés, nous partons, effectivement ça se dégage, et même on a pu apercevoir le paysage en direction du Valier un bref moment. Plus nous approchons du sommet et moins le brouillard est épais. Soudain au contour d'un lacet, c'est le ciel bleu qui apparaît avec une vue magnifique sur les montagnes aux alentours. Puis nous entamons la descente vers Couflens où nous ne serons plus qu'à 702m et ensuite on remontera pour s'arrêter au gîte de Rouze à 930m, où nous dormirons. Nous passons près de l'étang d'Arreau. Quelques centaines de mètres plus bas nous retrouvons notre mer de nuages et nous voici à nouveau dans le brouillard. Pas grave le sentier est bien marqué. Et plus nous descendons un crachin incessant s'installe pour arriver à être une pluie fine. Nous arrivons dans un hameau fantôme nommé Faup, je dis fantôme car il est désert, toutes les maisons sont fermées, ce ne sont que des résidences secondaires. Nous nous arrêtons devant l'une d'elles dont l'avancée du toit nous servira d'abri car il est midi et il faut casser une petite croûte. Une dame âgée qui passait par là vient nous tenir la conversation un petit moment, elle est la seule habitante du village en hiver, il n'y a qu'en été où quelques vacanciers viennent lui tenir compagnie. Le reste du trajet se déroule sans encombre la pluie a cessé, mais le ciel est couvert. Nous passons à Couflens, charmant petit village, là aussi beaucoup de maisons fermées, mais un peu plus d'animation tout de même. Nous arrivons au gîte d'étape qui est une ancienne grange aménagée là aussi, mais sur 3 niveaux. Au rez-de-chaussée ce sont les lavabos et les douches, au premier étage la salle à manger et le coin salon avec une cheminée autour de laquelle les randonneurs ont disposé leurs chaussures ainsi que les chaussettes pour les faire sécher, nous en faisons de même. Au deuxième étage sous la toiture c'est le dortoir. Nous prenons le repas du soir en compagnie des autres randonneurs. Il y a un jeune couple avec leur petite fille et également trois anglais. La patronne des lieux nous sert des spécialités locales, j'ai encore le goût en bouche du pâté de chèvre maison, un vrai régal. Tant pis pour le poids supplémentaire mais je lui en ai acheté deux boîtes pour les déguster tranquillement à la maison.

 

Vendredi 23 Juillet 1999

 

Ce matin il fait beau, il y a bien quelques nuages mais rien de méchant. Le petit déjeuner est également servi par la patronne. De belles tartines beurrées trempées dans un bon café au lait me rempliront suffisamment l'estomac pour affronter cette nouvelle étape. Un des anglais qui se trouvait à côté de moi me dit qu'en Angleterre le fait de tremper des tartines dans un bol est une impolitesse extrême, je lui fis remarquer qu'ici nous étions en France  et tout en m'excusant pour le désagrément que cela lui apportait je continuerai à les tremper. Cela eut pour effet de faire rire toute la petite assemblée que nous étions, y compris ses deux compatriotes. Quelques instants plus tard, Marcel, Beubeu et moi, sommes prêts pour le départ. D'entrée le chemin est très raide, certaines portions sont même dans l'axe de la pente, et cela pratiquement jusqu'au Col de la Serre du Cot qui est à 2 heures de marche du gîte d'où nous venons, d'après le topo-guide, mais nous en mettrons beaucoup plus. Nous descendons vers Saint Lizier d'Ustou où nous arrivons vers 16h. Il a fait beau aujourd'hui et même chaud, aussi lorsque nous arrivons au village nous ne pouvons résister en passant devant le café à nous offrir une bonne bière bien fraîche. Ils font également hôtel restaurant, et si nous faisions étape ici ? La lecture de la carte du restaurant achève de nous convaincre, les prix des chambres sont abordables, alors pourquoi ne pas s'offrir un bon petit repas et une bonne nuit de repos dans un vrai lit ? Cela changera de l'ordinaire. En plus, nos chambres donnent sur une terrasse s'ouvrant sur le magnifique panorama que nous offre le Cirque de Cagateille.Cirque de Cagateille

 

Samedi 24 Juillet 1999

 

Qu'il est difficile de se lever lorsque l'on se trouve dans un bon vieux lit en bois qui je suis sûr a dû connaître pas mal de générations de dormeurs...Mais la persienne qui surplombe le bon vieux lavabo également d'époque, me dit que le soleil est déjà levé et qu'il me faudrait en faire autant. Je me lève en faisant attention de ne pas trop faire craquer les lames de bois qui composent le plancher qui doit être contemporain du lavabo et de la tapisserie. Je vais faire un tour sur la terrasse pour renifler la météo du moment, Marcel et Beubeu sont déjà debout et prêts à descendre pour prendre le petit déjeuner.

-"je vous rejoins dans 10 minutes" leur lançais-je. Ce qui fut fait dans les délais.

Le sac est bouclé, les petites affaires qui ont été lavées la veille n'étant pas entièrement sèches sont disposées dans un sac en plastique de façon à être sorties lors des arrêts prolongés. Une pub à la télé dit que l'Ariège ça monte et ça descend, je peux vous le confirmer...Effectivement après une centaine de mètres sur la route goudronnée le GR bifurque soudainement à gauche pile en face d'une chapelle qui ne doit pas dater d'hier. Nous franchissons un petit pont très ancien également, surplombant la rivière qui a creusé une gorge assez profonde à cet endroit. C'est un sentier en sous-bois qui nous attend et aussi pentu que le toit des maisons de la région. C'est un endroit très typique de l'Ariège, le sentier est "pris" entre 2 murs de pierres. Cela signifie qu'à une époque certainement lointaine, il était très fréquenté et permettait d'accéder à des pâturages aujourd'hui disparus et envahis par la friche. Seules les granges, des bergeries, et même des habitations en ruine peuvent encore en témoigner. Au bout d'une heure environ nous sortons du bois. Une vue magnifique sur le cirque de Cagateille s'offre à nous. Des traces d'anciennes mines peuvent se lire sur le versant opposé de la vallée, des remblais de déchets de minerais le jonchent comme de vieilles cicatrices. Le sentier continu sur une pente douce, le soleil est de la partie. Nous arrivons à un col à 1380m, soudain c'est un autre paysage qui nous saute aux yeux, celui de la réalité, celui de notre époque , une montagne recouverte de petits chalets entassés les uns sur les autres, certes ils ne sont pas en ruine loin de là, mais pas d'âme qui vive. Il est vrai que nous sommes au mois de Juillet et à Guzet Neige, ceci explique cela. Il n'est pas loin de midi, nous cherchons un petit coin à l'ombre pour manger un peu. Une petite heure après nous repartons, le sentier est très raide dès le départ, sur la digestion ce n'est pas terrible et en plus il n'y a pas d'ombre, une vraie galère. Nous évoluons au milieu des pistes de ski et des remontes pente, puis nous arrivons au col d'Escots où nous allons attaquer la descente vers Aulus, mais il reste encore 5h de marche avant d'arriver. Certainement que nous bivouaquerons avant. Au bout d'une heure trente environ et sur un sentier assez escarpé et très pierreux nécessitant une attention permanente, nous arrivons à la cascade de Fouillet légèrement décalée du GR 10. Un petit sentier y mène à environ 5 à 6 minutes. Marcel et Beubeu préfèrent m'attendre, j'y vais pour prendre une photo ou deux, malheureusement je ne pourrai pas vous en faire profiter car une erreur du laboratoire de développement a détruit la pellicule. Nous continuons à marcher encore une petite heure et nous décidons dePetite cabane chercher un endroit où l'on pourrait bivouaquer. Nous arrivons à une bifurcation où le GR se devise en deux, à gauche une variante qui va directement à Aulus en 1h, à droite le GR normal qui passe par l'étang de Guzet et la cascade d'Ars et Aulus en 4 heures. Un randonneur avec sa fille arrivent, ils se dirigent vers la variante, nous leur demandons s'ils ne connaîtraient pas un endroit où nous pourrions passer la nuit., ils nous indiquent une cabane à une dizaine de minutes en contrebas, sans hésiter nous y allons. Nous y sommes, c'est vraiment la petite cabane, deux mètres sur deux, mais il y a une cheminée, la porte d'entrée est très étroite et sans porte. En levant la tête je remarque que le plafond est un plancher, et que près de la cheminée il y a un trou, j'y passe la tête et découvre un espace qui fera un dortoir idéal, le seul problème est qu'il faut escalader la cheminée pour y accéder, ça sera toujours mieux que de dormir a même le sol en terre battue. Après les activités coutumières désormais à chaque arrivée d'étape, toilette, lessive, soin des petits bobos, le repas du soir, et après une petite veillée discussion, nous escaladons le mur pour accéder à notre chambre improvisée, où nous passerons une excellente nuit.

 

 Dimanche 25 Juillet 1999.

 

Brrr! Il fait "frisquet" ce matin comme on dit chez nous. Je me dirige vers le ruisseau pour faire un brin de toilette , l'herbe qui est assez haute est recouverte d'une rosée assez importante. Je suis en claquette, je n'aurai pas besoin de me laver les pieds, les cents mètres aller retour du trajet suffiront. Le petit déjeuner pris, le sac bouclé, nous rebroussons chemin jusqu'à la bifurcation et direction de l'étang de Guzet. Nous mettrons un peu plus de temps que celui qui est préconisé sur le topo-guide car en chemin nous nous arrêtons assez souvent pour cueillir et déguster des myrtilles qui foisonnent dans le secteur. L'étang est légèrement en contrebas du sentier, j'y descends pour prendre quelques photos qui malheureusement se trouvent sur la même pellicule dont je vous ai parlé précédemment, il est tout rond, un peu comme les lacs de cratères auvergnats. Nous regrettons presque de ne pas être arrivés jusqu'ici hier soir car cela aurait été un endroit idéal pour bivouaquer. Nous poursuivons notre chemin à flanc de pente et assez raide et arrivons à un petit endroit charmant, une sorte de replat très herbeux sur lequel serpente un ruisseau et le tout agrémenté de gros rochers qui nous permettrons de trouver un peu d'ombre car il n'est pas loin de midi et il commence à faire chaud.Cascade d'Ars C'est un endroit très fréquenté car nous sommes juste au dessus de la cascade d'Ars, nous sommes dimanche et c'est un lieu de promenade familiale. D'après le topo-guide c'est une des plus belles des Pyrénées avec ses trois chutes superposées qui, à la fonte des neiges, ne forment qu'un seul jet de 110 m de hauteur. Avec le recul je râle encore de savoir que les magnifiques photos que j'en ai fait sont inexploitables. Après le déjeuner, nous reprenons notre périple, le sentier descend en une multitude de lacets, ce qui nous permet d'admirer ce chef d'œuvre de la nature sous toutes les coutures. Le sentier s'élargit jusqu'à devenir une piste forestière, puis au bout d'une petite heure tourne brutalement à droite pour descendre dans la forêt très abrupte jusqu'à rejoindre le ruisseau qui maintenant est devenu un petit torrent, nous le suivrons jusqu'à Aulus les bains où nous nous dirigeons vers le gîte d'étape. A l'entrée du village se trouve une stèle commémorative à propos d'évènements ayant eu lieu lors de la dernière guerre mondiale, en face se trouve deux bancs ombragés. Nous faisons une petite halte. Sur l'un d'eux  un vieil homme est assis, en nous voyant ses yeux pétillent d'envie de nous poser quelques questions, d'où venez vous? où allez vous? Une conversation s'engage. Il s'agit d'un ancien berger qui a parcouru ces montagnes depuis sa tendre enfance. Il y a gardé les moutons et même fait de la transhumance jusqu'aux frontières de l'Andorre, sur les milliers de têtes de bétail il n'en reste peut-être qu'une centaine, maintenant il les parcourt d'un regard plein de nostalgie, nous l'écoutons avec respect. Nous arrivons au gîte sans problème car le chemin était bien balisé. Il est immense, c'est un ancien presbytère, il y a 3 niveaux qui sont aménagés, le rez-de-chaussé avec en rentrant à droite la salle hors sac, à gauche la cuisine salle à manger, au premier étages deux grands dortoirs avec des couchages superposés et une salle de bain douches, au second les combles sont aménagés également en plusieurs dortoirs cloisonnés. Dans l'escalier il y a une mini exposition de photos représentant des cartes postales du début du siècle (20ème) et fin du 19ème, elles sont magnifiques.  Après une bonne douche réparatrice, je m'installe sur le couchage  supérieur et allume mon petit poste de radio, cela tombe bien c'est l'heure de la météo et celle-ci n'est pas optimiste, une dépression est annoncée qui doit amener de la pluie, cela me fait réfléchir. Marcel et Beubeu eux sont décidés à continuer quoiqu'il arrive, ils ont décidés d'arriver à Banyuls vers le 15 août. Quant à moi je voulais terminer à Goulier qui n'est pas très loin de Vicdessos où j'aurais pu prendre un autocar qui m'aurait amené à Tarascon d'où j'aurai pu revenir à Seix pour récupérer ma voiture. Cela fait encore 2 jours de marche, vu le temps qui est prévu et étant donné qu'il y a un service de car pour St Girons depuis Aulus et qui passe à Seix, je décide de m'arrêter là pour cette année. Pour la dernière soirée à passer ensemble, nous nous offrons le restaurant. Demain matin il y un bus à 9 heures, je le prendrai. Après une bonne nuit de repos, un petit déjeuner, c'est l'heure d'y aller. Mes deux compagnons de route m'accompagnent, ils ont décidé de passer la journée ici pour se ravitailler et faire un brin de lessive. Le ciel est couvert et le plafond est très bas car on ne voit plus les sommets aux alentours. Le car démarre, depuis ma place j'aperçois Marcel et son épouse qui me disent au revoir avec leurs mains, je leur réponds avec un brin d'émotion en repensant à ces quelques jours passés ensembles. A l'an prochain...

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mercredi 21 Juin 2000

 

En partant d'Albi il faisait beau, la météo prévoyait un passage nuageux peu actif. Après un changement à Toulouse puis à Boussens d'où je prends le car, j'arrive à Saint Girons vers 14h. La correspondance pour Aulus ne part pas avant 19 heures 20, je décide donc de faire de l'auto stop en attendant. Au bout d'une demi-heure une voiture venant du sens inverse s'arrête et me demande si je vais à Aulus, je réponds par l'affirmative, "on va faire le plein et on vous prend dans 5mn". J'attends, et effectivement 5mn après ils sont de retour. Il s'agit d'un couple qui vient d'ouvrir un hôtel restaurant à Aulus qu'ils ont restauré et aménagé eux mêmes. Il faut dire qu'il y a beaucoup d'hôtels dans cette ville mais la plupart sont fermés, dont certains, immenses, devaient être de petits palaces. Ce sont là les derniers témoins d'une époque glorieuse où les thermes étaient la principale ressource économique de cette région. Me voici de retour au gîte que j'avais quitté l'an passé. Les gérants ont changés mais sont tout aussi accueillants et sympathiques que les précédents, il s'agit de Christophe et de Hélène. Je m'installe dans un petit dortoir aménagé sous les combles car au premier étage un groupe d'une douzaine de Québécois ont réservé. Dans le dortoir voisin du mien il y a un jeune anglais mais qui ne parle pas un mot de français, il m'a fallu faire appel à mes vieux souvenirs scolaires pour trouver quelques mots d'anglais afin d'avoir un semblant de conversation, j'ai réussi à comprendre qu'il était parti de Luchon et qu'il s'arrêtait ici.  Les "cousins" canadiens arrivent par petits groupes, ils viennent du refuge de Bassiès où je dois aller demain. Le ciel s'est légèrement couvert mais rien de méchant. Vivement demain matin car j'ai des fourmis dans les jambes.

 

Jeudi 22 Juin 2000

 

 Je me réveille assez tôt car le rideau de la fenêtre en ciel ouvert plaque mal et le jour envahit la pièce. Je jette un coup d'œil, quelle horreur il pleut ! et il y a un brouillard à couper au couteau. Je décide de décaler mon départ d'un jour. Je vais faire un petit tour en ville pour m'acheter un magazine et le quotidien régional cela me fera passer un bon moment de la matinée. L'après midi effectivement le crachin à cessé et le brouillard s'est levé pour ne rester accroché qu'autour des sommets. j'en profite pour aller marcher un peu, histoire d'occuper le temps et de se mettre un peu en jambe. Après une petite marche de 2h30 je reviens au gîte. Les Québécois ont été plus courageux que moi et sont partis vers leur nouvelle étape, il faut dire qu'ils n'avaient pas trop le choix car ils avaient réservé dans un gîte près de Saint Lizier d'Ustou mais le patron viendra chercher leurs sacs, ils ne marcheront qu'avec le strict nécessaire. D'autres randonneurs arrivent en particulier un qui est parti de Banuyls il y a deux semaines et qui a traversé le plateau de Beille avec 30 cm de neige, également 4 jeunes qui font la traversée de l'Ariège, ils sont partis ce matin du Gîte de Rouze. L'an dernier j'avais fait cette étape en 2 fois, ils ont la pêche ! Il y a aussi 3 belges qui sont arrivés en début d'après midi, ils ont "court-circuité" une étape à cause du temps et se sont fait porter en voiture. Le soir tout ce petit monde se retrouve à la salle à manger où chacun ayant préparé sa popote se rassemble autour de la même table, moment privilégié que j'aime bien car la discussion tourne autour d'anecdotes et d'expérience vécues. Christophe va prendre la météo par téléphone, lorsqu'il revient je comprends à sa tête que ça ne sera pas terrible, même temps qu'aujourd'hui, décidément ce n'est pas de chance.

 

Vendredi 23 Juin 2000

 

Sitôt levé, je me précipite à la fenêtre pour "prendre" la météo, il ne pleut pas mais il y a du brouillard. Bon c'est décidé, on y va, je ne vais pas rester un jour de plus à tourner en rond. A huit heures je suis prêt, après avoir fait les adieux à mes compagnons d'un jour et réglé mon séjour, me voici en route, direction le GR 10 qui se trouve à un quart d'heure d'ici. Je le rejoins au pont de la Mouline à 785 m d'altitude. Il y a 2 cols à franchir, l'un à 1794 m, le Port de saleix, puis ça redescend un peu et on attaque le Col de Bassiès à 1933 m. Auparavant il y le plateau de Coumebière à 1400 m. La première partie est en sous bois, le sentier monte de façon régulière et il est très agréable. Plus je monte et plus le brouillard devient coulant. Arrivé au plateau vers 11h c'est quasiment une pluie fine qui m'oblige à sortir le poncho qui recouvre également le sac à dos. Plus j'avance, plus il pleut, plus le vent est fort et moins il fait chaud.  Après de nombreux lacets j'arrive à une crête qu'il faut suivre encore une bonne demi-heure avant de passer le col. Je la franchis pour m'abriter un peu car le vent redouble de violence, je m'assieds contre un gros rocher qui me tiendra à l'abri de la pluie qui s'est calmée un peu. J'en profite pour déjeuner car il est midi passé. Tout à l'heure j'ai croisé un couple qui m'a dit que sur l'autre versant cela allait beaucoup mieux. Quelques dizaines de minutes après il faut bien repartir. Je franchis à nouveau la crête en sens inverse, sitôt la tête passée au dessus de son niveau, c'est un vent violent et glacial qui m'accueille, la pluie se transforme petit à petit en giboulées de neige. A plusieurs reprises le vent me déstabilise et manque de me renverser, ce n'est pas le moment de s'arrêter, j'essaie d'accélérer un peu afin de franchir ce maudit col et être un peu à l'abri. Le vent soulève le poncho, je suis en short et mes jambes ruissellent si bien que le froid en plus cela me provoque des crampes et mes muscles se tétanisent. A un moment je glisse et me retrouve au sol allongé de tout mon long sur le ventre, je crois ma dernière heure arrivée, c'est une véritable tempête, je n'en peux plus, ma respiration est saccadée comme si j'allais m'étouffer. Au bout de 2 ou 3 minutes qui m'ont paru un siècle je respire mieux, mais mes cuisses me font mal , il ne faut pas que je me refroidisse Dans un effort surhumain, je parviens à me remettre debout, courage dans quelques minutes je serai sur l'autre versant abrité. Les derniers mètres on été un vrai calvaire mais je suis arrivé au col, je me suis même permis le luxe de le manquer et de le dépasser d'une cinquantaine de mètres car j'ai suivi un sentier qui mène au Mont Garias d'où, parait-il, il y a un point de vu magnifique d'après ce que m'avait dit le patron du gîte, désolé ce sera pour une autre fois...C'est l'absence de balise qui a éveillé mes soupçons. Je redescends et franchis enfin ce passage tant attendu, comme si c'était la porte du paradis. C'est le jour et la nuit, le vent à disparu, la pluie mélangée de neige s'est arrêtée, la brume qui monte de la vallée semble se disloquer et une trouée me laisse apercevoir le petit étang d'Alate. Je m'arrête et me frictionne vigoureusement les cuisses et les mollets et reprends mon chemin, ouf ! Je redescends d'une centaine de mètres en altitude et attaque à nouveau une montée qui mène au col de Bassiès qui est plus haut que le précédent maisEtang de Bassiès abrité par des sommets plus élevés. J'y parviens au bout d'une bonne heure, l'autre versant est encore dans le brouillard, mais celui-ci se dissipe petit à petit. A un moment j'ai pu voir le refuge et l'Etang de Bassiès, même un rayon de soleil a fait son apparition, j'en profite pour m'arrêter un peu et prendre une photo. J'arrive enfin au refuge, croyez moi après une journée pareille, c'est un vrai moment de bonheur. Je m'installe, et je vais prendre une douche bien chaude tout de suite. Me voici sur pieds, comme il n'est pas trop tard, je vais m'installer à une table et discuter un peu avec le gardien. Les quatre jeunes sont passés vers midi, ont mangés ici et ont continués vers le gîte de Mounicou qui est à 4 heures d'ici. Quant à la météo il m'annonce que demain ce sera le même temps mais moins humide, c'est pas la joie. Mais comme je redescends dans la vallée vers Auzat ça devrait aller mieux. C'est un refuge très fréquenté par les pêcheurs vu son accès assez facile et la proximité de plusieurs lacs. Je vais prendre le repas du soir  ici, je ne le regretterai pas car au menu il y avait un cassoulet au confit de canard préparé par la patronne qui est originaire du Gers, un vrai régal et cela a achevé de me remettre de toutes mes émotions de la journée.

 

Samedi 24 Juin 2000

 

La nuit a été calme et j'ai bien récupéré. Dehors il y a des nuages bas accrochés à la montagne mais il ne pleut pas. Je rassemble toutes mes affaires et boucle mon sac. Je vais prendre mon petit déjeuner au refuge un brin de toilette et me voici sur le départ. Le brouillard fait du yoyo, un coup je monte un coup je descends. Je longe le grand étang de Bassiès qui est suivi de 2 autres plus petits, ensuite c'est la descente vers la vallée. Tout en marchant je réfléchis à tout ce que m'a raconté le gardien du refuge, après le gîte de Mounicou il n'y a pratiquement plus de points de ravitaillement ou alors il faut quitter le GR une heure ou deux pour en trouver et cela jusqu'à Merens. On traverse bien quelques villages mais ils sont transformés en résidences secondaires et il n'y a plus du tout de commerces. J'ai tellement été secoué hier que j'hésite à continuer seul, j'ai comme une sorte d'appréhension. Tant pis je préfère rentrer et revenir dans quelques jours avec Christian et Mathieu qui seront bientôt disponibles. Arrivé dans la vallée,  je prends la direction d'Auzat. J'y arrive vers midi, je prends le temps de déjeuner avant de rentrer dans le village. Il y a une animation importante, serait-ce la fête du village ? no,n il s'agit tout simplement de la Trans-Ariègeoise, une importante course cycliste qui à lieu tous les ans. Je traverse tant bien que mal l'agglomération et un kilomètre plus loin j'arrive à Vicdessos. Je me renseigne pour savoir s'il existe un service de car pour Tarascon, hélas non pas aujourd'hui. Tant pis je vais à la sortie du village et commence à faire de l'auto stop. Avec cette circulation je vais bien trouver une âme charitable qui ne sera pas trop impressionnée par mon gros sac à dos. Ce fut chose faite au bout d'un petit quart d'heure, une charmante dame s'arrête, heureusement c'est une voiture monospace avec un grand coffre dans lequel mon sac trouvera sa place sans problème. Elle me dépose pas très loin de la gare, elle est assez pressée car elle va à son travail à Foix qui est encore à quelques kilomètres, et avec cette course cycliste qui n'est pas encore terminée elle a pris du retard. Ce fut moins compliqué pour arriver à Albi qu'à l'aller car j'arrive directement à Toulouse et ne change qu'une fois pour arriver à destination.