La réserve de Néouvielle vue depuis le col de Madamète

Samedi 20 Juin 1998

 

C'est sympa, le petit déjeuner est prêt, il se présente sous la forme de self , on peut choisir la taille de son bol  ou de sa tasse et toute la panoplie d'ingrédients: beurre, confiture, café, lait, chocolat, croissant, pain etc... Je prends des forces et boucle mon sac et après avoir réglé ma nuitée, je démarre ma nouvelle étape en pleine forme, il le faut car j'ai un col à 2509 m à passer, le col de Madamète. Parti de 1240 m cela fait un bon petit dénivelé. Le GR est parallèle sur environ 2km à la route qui mène au col du Tourmalet, très connu des coureurs cyclistes, puis bifurque à droite pour attaquer la montée vers le col de Madamète. Au bout d'une 1/2 heure environ, j'arrive au terminus d'une piste transformée en parking sur lequel s'affairent des pêcheurs préparant leur matériel, ce qui est normal dans cette région très lacustre. Je rencontre beaucoup plus de monde qu'hier, on voit que cette région est plus fréquentée contrairement à d'autre où il m'arrive de ne rencontrer âme qui vive de la journée, c'est un peu normal nous ne sommes qu'au mois de juin. Le trajet se déroule sans problème, la pente est très raisonnable et assez régulière. Après la petite halte casse croûte de midi, j'arrive à proximité du col et traverse une zone de laquets mignons comme tout. Je passe sur des névés, les lunettes de soleil sont indispensables car comme hier l'astre céleste est de la partie, heureusement qu'en altitude la chaleur est moindre mais quand même il me faut boire très fréquemment, j'ai épuisé mes 2 litres d'eau il me faudra faire le plein assez rapidement car je ne suis pas encore arrivé. Enfin me voici au col, beaucoup de monde s'y est arrêté pour souffler mais aussi pour prendre des photos tellement le paysage est magnifique. J'attaque la descente, le sentier est  très "carrossable" jusqu'à un passage assez délicat où il faut franchir des gros blocs enchevêtrés les uns sur les autres, et ce n'est pas évident de sauter comme un cabri lorsque l'on a un sac de 15kg sur le dos... J'évolue maintenant  sur une sorte de plaine au milieu des pins à crochet, à quelques centaines de mètres des lacs d'Aubert et d'Aumar. Des panneaux indiquent que le bivouac est seulement autorisé à proximité du barrage d'Aubert et interdit partout ailleurs. Je me plie à cette obligation et arrive enfin au pied du barrage vers 17h. J'ai le choix de l'emplacement car pour l'instant il n'y a pas grand monde, ce qui ne sera pas le cas 2h plus tard. Je vais faire un petit tour au bord du lac d'Aubert histoire de me débarbouiller et me rafraichir un peu. J'en profite pour faire une petite lessive qui n'aura pas de problème à sècher vu la température ambiante.

 

   Bivouac au pied du barrage d'Aubert avec la   nouvelle tente(1,5kg) et le nouveau sac à dos   de 70l .

 

 

 Je me suis endormi très tard car mes voisins de bivouac ont été très bruyants, ils ont discuté très fort jusqu'à minuit au moins. Demain sera une étape assez longue, si  je suis en forme j'irai jusqu'à Vielle-Aure, sinon arrêt bivouac en chemin.

Dimanche 21 juin 1998

A 7 heures, branle-bas de combat, plus question de dormir car des voisins commencent à plier leur tente et ranger le matériel, donc j'en fais de même. Je fais le plein de mes gourdes et démarre. J'ai du mal à retrouver les balises du GR 10, d'après ma carte on doit longer le lac d'Aumar ce que je fais, ensuite j'arrive dans une grande prairie assez marécageuse dans laquelle plusieurs sentiers se dessinent mais aucun endroit susceptible de servir de support à une balise. Heureusement je croise un randonneur qui connaît bien la région et me remet sur le bon chemin. Au bout d'une bonne demi heure je croise un groupe de randonneurs et oh! surprise! se sont les parisiens rencontrés la veille à Barèges, je suis un peu étonné de les voir aller dans la direction inverse à la mienne, mais ils ont l'air sûr d'eux. Ils ont passé la nuit au refuge d'Orédon  qui est à 45 mn du GR 10 et se dirigent vers celui de Bastanet également hors GR. Nous reprenons respectivement nos chemins mais au bout de 2 ou 3 minutes je m'arrête pour consulter ma carte au 25 millième car ça me tracasse de les voir repartir vers Barèges, et stupeur, ils sont partis effectivement dans une mauvaise direction. J'essaie de les appeler pour les arrêter mais en vain. Lorsqu'ils ont rejoint le GR, ils sont partis du mauvais côté, car hier soir ils ont été récupérés par un véhicule au lac d'Aubert, ce qui fait que ce matin n'étant jamais passés à cet endroit, ils se sont trompés, lorsqu'ils vont arriver au lac ils s'apercevront de leur erreur. Je franchis un petit col à 2260 m et redescends à travers une forêt jusqu'au magnifique lac de l'Oule que le GR 10 contourne sur une bonne partie. Il est midi, je fais une petite halte casse-croûte au bord du lac. Il me reste environ 6 heures 30 de marche pour arriver à Vielle-Aure, je crois que je m'arrêterai avant. Il y a encore un col à 2215 m au programme. Je repars vers 12 heures 45 et attaque la montée. Le temps devient de plus en plus lourd, ce matin à la radio la météo prévoyait des orages dans les Pyrénées comme tous les jours, je ne m'inquiète pas car les Pyrénées s'étalent sur 400 km et en été il y a toujours un orage à quelque part. Mais aujourd'hui cela a l'air plus sérieux car non seulement il fait de plus en plus lourd mais le ciel se voile. 3 heures plus tard j'arrive au col de Portet, le ciel est devenu menaçant. Il me reste 3 heures 30 de marche pour arriver à Vielle-Aure, je pensais bivouaquer mais vu les circonstances je préfère continuer, d'autant que l'endroit est bien dégagé et à cette altitude le moindre relief même celui d'une tente, peut être la cible de la foudre. Quelques gouttes  commencent à tomber, j'accélère le pas, c'est le cas de le dire , j'ai l'orage aux fesses, les nuages et moi allons dans la même direction. Cela a été une course sans répit  jusqu'à l'arrivée au gîte et je peux me flatter d'en être le vainqueur car quelques minutes après ce fut un vrai déluge d'eau et de feu, et dire que ce soir c'est la fête de la musique...

  Lac de l'Oule

 

Mercredi 8 Juillet 1998

 

Un petit bon dans le temps car suite à l'orage du 21 Juin, la météo ne s'étant pas améliorée les jours suivants, je suis donc revenu chez moi. Nous voici de retour à Vielle-Aure, je dis "nous" car je suis en compagnie d'un ami, Christian, et de son fils Mathieu. Il est 15h passées, après quelques emplettes nous décidons de marcher 2 ou 3 heures pour trouver un endroit où planter nos tentes. Parti de 800 m nous arrivons aux alentours de 1400 m, nous nous arrêtons près d'une grange en ruine au dessus de laquelle se trouve une source d'eau potable, sur les conseils d'un vieux berger rencontré une heure auparavant. Après avoir trouvé un endroit à peu près sec, on voit qu'il a bien plu ces derniers jours, nous plantons nos tentes. Ce soir il y a un match de foot de la coupe du monde, France-Croatie, un match qui restera dans les annales...

 

Jeudi 9 Juillet 1998

 

Ce matin nous nous réveillons dans une "purée de pois", nous plions le camp et partons tout de même, heureusement que nous suivons une piste assez large pour ne pas nous perdre. Arrivés au col à 1585 m le brouillard se dissipe et nous apercevons Loudenvielle et son petit lac dans la vallée. La descente est assez raide, Christian souffre beaucoup de ses genoux, c'est le manque d'entrainement, dans quelques jours ça ira mieux. Loudenvielle (970 m) est un charmant village, nous y faisons quelques approvisionnements et poursuivons notre périple. La prochaine étape sera le village de Germ à 1339 m, mais pour y arriver, comme il n'est pas loin de midi, nous cheminons sur un sentier peu ombragé si bien que la moindre ombre fait l'objet d'une halte rafraîchissement, mais malheureusement très brève car nous sommes harcelés par des taons. Nous arrivons enfin à Germ. Au milieu du village se trouve un lavoir couvert que nous squattons de suite afin de faire une pause repas. A environ 2 heures se trouve la cabane d'Ourtiga à 1600 m, si elle est ouverte nous y passerons la nuit, elle est au pied du pas de Couret qui culmine à 2131 m. Christian doit nous quitter demain car il a des obligations, il espérait arriver jusqu'à Luchon mais cette année il n'est pas en jambe, il retournera à Loudenvielle en espérant trouver un moyen de transport vers la gare la plus proche pour retourner chez lui. Mathieu et moi continuerons, peut-être jusqu'à Fos ou Melles. Demain l'étape sera un peu plus longue car nous espérons arriver au refuge d'Espingo au dessus du lac d'Oô, bien connu des cruciverbistes. Nous arrivons à la cabane, elle est ouverte, personne ne s'y est installé, nous sommes les premiers. Il y a une source à proximité, nous en profitons pour faire un brin de toilette et une petite lessive. Il y a une cheminée dans cette cabane, nous partons en quête de quelques morceaux de bois, nous en trouvons quelques uns près du torrent. Avant de rejoindre le grenier qui sert de dortoir nous nous faisons une petite flambée, et passons une excellente soirée auprès du feu ensuite une excellente nuit, si ce n'est qu'au petit matin nous sommes réveillés par les meuglements de quelques vaches arrivées de l'on ne sait où.

 

     Cabane d'Ourtiga

 

Vendredi 10 Juillet 1998

 

  La journée à l'air de bien se présenter, quelques nuages accrochés aux cimes mais ils montent rapidement et le soleil vient caresser la cabane de ses rayons déjà chaleureux. Aprés avoir rassemblé, rangé nos affaires et fait un petit ménage afin de laisser l'endroit aussi propre, sinon plus, qu'à notre arrivée,  malheureusement ce n'est pas toujours le cas de tous les visiteurs, nous attaquons la nouvelle étape. Christian part de son côté, Mathieu et moi du nôtre. La montée est assez raide et c'est dur le matin à froid de trouver un bon rythme. Au bout d'une demi-heure, notre attention est attirée par des hurlements lointains. Je sors les jumelles et dans la direction d'où nous venons, j'aperçois Christian qui avant un contour du sentier nous disait un dernier "coucou" avant de disparaître derrière un monticule au fin fond de la vallée. La cadence étant rapidement prise nous arrivons au sommet du col vers 10 h 30. J'essaie de contacter quelques amis radioamateurs sur une fréquence où nous avons l'habitude de nous retrouver à cette heure-ci. J'entends Serge et Paul,  mais eux ne m'entendent pas. Après plusieurs tentatives j'abandonne et nous entamons la descente vers le Val d'Astau. Plus nous descendons et approchons de midi et plus il fait chaud, pas un brin d'ombre, je prends soin de me passer de la crème solaire sur les parties les plus sensibles et de me mettre un grand mouchoir derrière la tête coincé sous la casquette pour protéger ma nuque, expérience oblige. Nous arrivons en vue d'une cabane, on va pouvoir faire l'arrêt casse-croûte à l'ombre. Nous pénétrons dans celle-ci et avons la surprise de trouver deux randonneurs allongés de tout leur long sur le sol en train de dormir d'un profond sommeil. Alors pour ne pas les déranger nous nous installons à l'extérieur  tout à fait contre le mur le moins exposé au soleil car celui-ci étant pratiquement à la verticale, la zone d'ombre n'est pas large. Après avoir repris des forces, nous entamons la descente vers les Granges d'Astau. Arrivé au hameau nous avons l'agréable surprise de découvrir qu'il y a un bistrot, une marque de bière est inscrite en gros au dessus de la porte d'entrée, alors je craque, depuis que je n'ai pas bu une bonne bière bien fraîche... Bon ce n'est pas tout, nous ne sommes pas encore arrivés, il nous reste encore  3h30 ou 4h avant d'arriver au bout de  l'étape, nous repartons. Sachant que nous  allons au refuge d'Espingo, le patron du  café nous confie du courrier pour des  personnes qui passent quelques jours là  haut. Jusqu'au lac d'Oô nous suivons un  chemin assez large et très fréquenté, après  un petit arrêt au bord de l'eau et quelques  échanges d'impressions avec d'autres  randonneurs nous repartons pour la  dernière étape de la journée. Plus que 500 m de dénivelé et nous serons arrivés. Le reste du parcours se passe sans encombre bien que le sentier soit raide par endroit. Nous voici à destination, nous passons au refuge pour donner le courrier et en profitons pour passer un petit coup de fil à la famille pour donner quelques nouvelles ce qui n'a pas été fait depuis le départ. Nous cherchons un endroit pour bivouaquer, et avons l'embarras du choix. Une fois les tentes installées, que le repas du soir constitué principalement de sucre lent a été pris, nous nous couchons et nous endormons sans avoir eu besoin de berceuse.

 

Samedi 11 Juillet 1998

 

Excellente nuit, une nouvelle journée ensoleillée se profile. Mathieu n'est pas encore réveillé, tout est calme du côté de sa tente. Je vais faire un petit tour auprès du Lac qui se trouve à quelques dizaines de mètres, c'est très agréable de se promener tôt le matin dans la fraîcheur. La vue sur le cirque d'Espingo est magnifique avec ses sommets qui dépassent les 3000 et qui sont éclairés par le soleil levant. Je retourne au bivouac, entre temps Mathieu s'est levé et nous prenons le petit déjeuner . Au programme de la journée deux cols, la Hourquette des Hounts-Secs à  2275m ( il ne faudra pas oublier de remplir les gourdes car en gascon cela signifie "fontaines sèches"...) et le col de la Coume de Bourg à 2272m, ils ont pratiquement la même altitude mais entre les deux on redescend de 200m environ, ensuite une longue descente vers Superbagnères. Nous partons vers 9 heures le soleil n'a pas encore dépassé la crête, tant mieux, profitons-en pour marcher "à la fraîche". Nous redescendons le chemin emprunté la veille pendant un quart d'heure et bifurquons sur la droite pour attaquer la montée du premier col. Toujours à l'ombre, le rythme est bien soutenu, sans forcer grâce à l'entraînement que nous avons depuis plusieurs jours, nous passons près de quelques névés  et atteignons le col. Une petite pause pour souffler un peu et faire quelques contacts avec mon petit émetteur VHF. Nous descendons dans une sorte de cuvette alors que le soleil commence à être assez haut dans le ciel , il n'est pas loin de midi et j'ai repéré un endroit aux jumelles qui devrait être ombragé afin de faire la halte casse-croûte de la mi-journée. Une fois l'endroit atteint il ne s'avère pas si terrible que cela, il vaut mieux poursuivre, on verra plus loin de toute façon il n'est pas tout à fait midi encore. 20mn plus tard, faute d'ombre nous nous arrêtons dans un champ de myrtilles, adossé à un rocher, et finalement  cela ne nous empêchera pas de nous ravitailler. Chemin faisant, nous atteignons le col où, surprise, nous rencontrons beaucoup de monde, cela s'explique par le fait que c'est le point de départ d'une randonnée très prisée des touristes  ou curistes du luchonnais, le pic de Céciré qui culmine à 2403m et qui est un belvédère à partir duquel on peut découvrir toute la région. Nous poursuivons la descente en pente douce vers Luchon, et arrivons  à l'hôtel de Superbagnères. C'est une énorme bâtisse qui est visible de très loin dans la vallée, je me souviens lorsque j'avais une douzaine d'années et que j'étais en colonie de vacances à Portet de Luchon, on la distinguait très bien tout là-haut perchée, avec la route  menant au col de Peyresourde qui serpentait à flanc de montagne et qu'empruntait le " Tour de France", j'ai toujours eu envie d'y monter. Aujourd'hui c'est chose faite. Depuis elle a été rachetée et transformée par un célèbre club de vacances de luxe, cela se devine facilement à la vue des voitures stationnées sur le parking, grosses limousines allemandes et autres voitures de sport, et même une "petite" Lotus Elise autour de laquelle une demi-douzaine de badauds tournent. Nous nous en approchons et arrivés à sa hauteur nous posons nos gros sacs à dos à nos pieds, et après avoir fait un clin d'œil à Mathieu je lui demande "C'est toi qui a les clés?" tout en fouillant ses poches il me répond "non non ! je pense que c'est toi", les badauds éberlués s'écartent, à mon tour je fouille dans les miennes "Bon allons chercher le double à la réception", dans un grand éclat de rire nous nous éloignons. Il est aux alentours de 17h, nous en avons quand même "plein les pattes" si bien qu'à l'approche de la gare du télécabine, sachant qu'il nous reste une bonne heure et demi de descente vers  Luchon avec un dénivelé de 1200m, nous n'hésitons pas et prenons un billet. Certes, nous aurions pu bivouaquer sur place et repartir tranquillement le lendemain, mais après réflexion, il y a une gare à Luchon pourquoi aller jusqu'a Melles comme prévu, d'autant plus que demain soir Dimanche il y a la finale de la coupe du monde, et si ma mémoire ne flanche pas, la France est impliquée. Donc une raison supplémentaire pour rentrer à la maison, cela sera plus confortable devant un écran que l'oreille collée sur un poste à transistor...

 

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