Vendredi 28 juin 1996 - 20h45

       

Ça y est ! Après une semaine d'interruption, le périple reprend. Je suis arrivé à l'endroit exact où je l'avais quitté la semaine dernière, à Etsaut. Dans le car qui m'amenait de la gare d'Oloron à mon terminus, j'ai entendu dire que toute la semaine passée il n'avait pas fait beau, qu'il avait plu et fait froid, que c'était le premier jour où il faisait chaud, donc pas de remords. Cette première journée n'a quand même pas été terrible car j'ai marché trois heures pour rien. En effet, je n'ai pas repris le topo-guide des Pyrénées Occidentales car il était pratiquement terminé, j'ai juste fait les photocopies des trois dernières étapes qu'il me restait à faire, mais malheureusement il m'aurait fallu faire également la photocopie de la dernière effectuée car il y avait le départ de la suivante. Normalement je ne pensais pas chemin de la Matureen avoir besoin car j'avais vu une balise rouge et blanche au départ d'Etsaut, donc confiant, je l'ai suivi. Mais cela a été la seule que j'ai vu car ensuite il n'y avait que des balises jaunes, en fait un circuit qui n'a rien à voir avec le GR 10 et qui fait une boucle... Voilà pourquoi ce soir je suis toujours à Etsaut, du coup je suis allé dans un gîte d'étape, car le camping se trouve 2 km plus loin dans un autre village. Ce soir je me suis acheté la carte du secteur au 25 000ème . Je pense que je vais les acheter au fur et à mesure car ce topo-guide manque de précision n'ayant que des extraits de carte au 50 000ème. Voilà pour ce soir je ne me ferai pas plus long. Demain matin je vais essayer de partir tôt car il y a beaucoup de dénivelé, de 600 m, je vais grimper à 2185 m, soit plus de 1600 m. Au début de l'étape je vais passer par le chemin de la mâture. A demain...

 

Samedi 29 juin 1996 - 20h10

 

C'est bon, aujourd'hui je ne me suis pas trompé. Je me suis levé ce matin à 7h20, je suis allé prendre le petit déjeuner, me débarbouiller, plier mes affaires, et je démarre à 8h10. Cette fois-ci je prends le bon chemin. Le temps est couvert, le plafond nuageux est très bas, je vais vite être dans le brouillard. D'après la météo de montagne que j'ai consultée en attendant le boulanger, il devrait faire soleil à partir de 2000 m, ça tombe bien je dois passer le premier 2000 du GR en venant de l'ouest. Le col d'Ayous à 2185 m. J'arrive au fameux chemin de la mâture vers 9h 15, et malheureusement le brouillard est là, pas trop épais quand même car j'arrive à distinguer le fond du précipice. C'est impressionnant, je suis à un mètre du bord une jambe en avant et le cou tendu pour voir au mieux la pente c'est à pic, mais alors vertical. Brrr ! je me resserre côté falaise et je continue mon chemin. Ce passage se poursuit sur 200 m environ puis s'élargit. Au départ de la mâture il y avait un panneau qui indiquait le col d'Ayous à 5 heures de marche. Eh bé ! je ne suis pas arrivé ! Le reste du trajet se déroule sans encombre. A midi "pétante" je m'arrête pour casser la croûte car le petit déjeuner est déjà loin. Ensuite je repars tranquille, ça monte et ça monte toujours, je m'arrête de temps en temps pour souffler et prendre mon pouls , 140 à 150 ce qui est normal en plein effort, je fais attention de ne pas dépasser le 160, c'est comme sur l'autoroute, pas d'excès de vitesse. Arrivé à une demi-heure du col, effectivement je passe au dessus des nuages, c'est un beau ciel bleu et un soleil magnifique qui m'accueillent. Au sommet c'est un splendide panorama qui s'ouvre devant moi avec le Pic du Midi d'Ossau qui se dresse majestueux, à ses pieds trois petits lacs près desquels je passerai tout à l'heure. Bien sûr je sors l'appareil photo de mon sac et immortalise ce spectacle. Dans la vallée il y a des nuages aussi mais ils sont plus bas que sur l'autre versant. Je vais pouvoir profiter du soleil un petit moment. Je passe près des petits lacs et ensuite je replonge dans les nuages pour en ressortir quelques instants après, puis c'est l'arrivée au lac de Bious-Artigue terminus du jour. Il est très beau vu d'en haut avec son eau verte. Arrivé au niveau du barrage, j'aperçois le camping où je dois m'arrêter. Allez, courage, plus qu'un petit quart d'heure et ce sera terminé. J'arrive à 18 h. Cela fait 9h30 que je suis parti, en enlevant en gros 2 heures pour les arrêts, j'ai marché un peu plus de 7 heures, c'est pas mal. Demain c'est une autre paire de manches, 9h30 de marche sans gîte, ni camping, ni refuge, sans compter les arrêts c'est un coup de 12 ou 13h, d'autant plus qu'il y a le fameux col de la Hourquette d'Arre qui culmine à 2485 m. Alors je vais partager l'étape en deux et faire un bivouac en altitude vers 1800 ou 1900 m. Heureusement que j'ai un duvet de montagne qui tient chaud. Enfin on verra bien, je vous raconterai ça bien sûr...

 

Dimanche 30 juin 1996 - 20h15

 

Ce matin je me suis réveillé vers 6 heures, il faisait jour, je regarde à travers la moustiquaire de la tente, un ciel bleu magnifique. Je flemmarde un peu et me décide à me lever vers 7 heures. Je ne suis pas pressé ce matin, il faut dire que j'ai bien étudié l'itinéraire et qu'il n'y a pas de difficulté majeure, c'est une longue étape que j'ai partagé en deux. Je pense arriver vers 1800 m, donc 5 à 6 heures de marche. Finalement je démarre à 9h30 après avoir fait quelques courses à l'épicerie du camping. Au départ il y a quelques kilomètres de route goudronnée (mon régal ! ) au moins pendant une bonne heure. J'arrive enfin sur le sentier, il est sympa, il serpente à travers une forêt avec une pente douce, tout ce qu'il faut pour bien démarrer une étape, ça change du goudron. Au bout d'un moment j'arrive à une bifurcation, tout droit c'est une variante et à droite c'est le GR normal mais il passe par un endroit qualifié de dangereux par le topo-guide et de vertigineux d'après le panneau. Je prends à droite car j'aime les sensations fortes. En fait il a été tellement bien aménagé que ce n'est même plus impressionnant. Moins que le chemin de la mâture ou le pont suspendu de Kakouéta. Il y a une rampe qui a été installée avec des gros câbles d'aluminium, il faudrait le faire exprès pour tomber dans le ravin. Ceci dit, il y a des passages vraiment étroits où mon sac frotte des deux côtés, enfin la tente qui est située à la base du sac et en travers. Ensuite j'attaque une autre forêt après le passage d'un petit pont au dessus du gave où je me suis arrêté pour manger car il était midi. Le chemin grimpe assez dur pendant 1h30 environ pour arriver sur un versant bien dégagé et que surplombent d'impressionnantes falaises de calcaire. A un moment j'ai entendu un bruit de moteur lointain, pourtant il n'y a pas de route dans les environs, je tourne la tête dans la direction d'où venait ce bruit, et sur l'autre versant de la vallée, à flanc de montagne, j'aperçois un petit train. C'est le petit train d'Artouste que je connais bien pour l'avoir pris en famille il y a quelques années. De cet endroit j'attaque une pente douce qui va durer pendant deux heures au moins et toujours avec la compagnie intermittente du petit train que je dépasse en altitude au bout d'un moment. J'arrive à l'endroit où je vais pouvoir installer le campement en même temps qu'un groupe de trois randonneurs qui eux arrivent en sens inverse, je les attends un peu pour avoir des nouvelles du col, s'il est enneigé ou pas. Ils se sont arrêtés à l'endroit où le GR franchit un torrent. Je descends en contre-bas pour choisir un endroit où je vais pouvoir planter la tente. J'en trouve un près d'un gros rocher, sur une pelouse bien verte et bien plane, pas trop loin du torrent mais suffisamment pour ne pas être assommé par le bruit. L'idéal quoi... Le groupe de randonneurs repart, je me dirige vers eux pour les saluer et leur demander des précieux renseignements. Ce sont trois jeunes de 25/30 ans environ, deux garçons et une fille. Ils sont partis de Gourette ce matin et le col se passe bien, il y a des névés mais très faciles à franchir sans équipements spéciaux. Le passage a été tracé par d'autres randonneurs qui y sont déjà passés. Me voilà entièrement rassuré. Ils décident eux aussi de s'arrêter là pour passer la nuit, je les y encourage car plus bas je n'ai pas vu d'endroit aussi bien pour bivouaquer, et puis je ne serai pas seul. Hier en redescendant du col et des lacs d'Ayous, j'ai croisé beaucoup de monde, si bien qu'à la fin je ne disais plus bonjour comme le veut la coutume en montagne lorsque l'on croise quelqu'un, sinon je n'aurais pas fait dix pas sans avoir à le redire. On voit que les vacances ont commencé, et puis c'est dimanche. Par contre ici pas grand monde et je ne m'en plains pas, il est vrai qu'il n'y a pas grand intérêt touristique, ce n'est que de la montagne où il faut marcher, mais de la belle montagne comme je l'aime. J'ai vu et entendu pour la première fois depuis mon départ des marmottes, ça fait plaisir de voir ce sympathique animal qui siffle en direction de sa communauté pour signaler un danger. Dorénavant j'en verrai certainement tous les jours maintenant dés que j'arriverai vers les 1800 ou 2000 m et que l'endroit ne sera pas trop fréquenté. Bientôt des isards j'espère, le matin assez tôt ils descendent un peu plus pour se nourrir. Des rapaces je n'en ai pas vu aujourd'hui, il faut dire que je n'ai pas toujours le nez en l'air, mais les autres jours j'ai aperçu des vautours ainsi que des milans royaux. La flore a changé aussi, j'ai vu quelques iris sauvages, des gentianes jaunes, des digitales et plein d'autres fleurs dont je ne connais pas le nom. J'ai bien un petit livret sur la flore pyrénéenne, mais je l'ai oublié à la maison. Je suis arrivé à 17 heures, parti à 9h 30 ça fait 7h30, mais en enlevant les arrêts cela fait 6 heures de marche, c'est la bonne moyenne pour un montagnard de mon gabarit... Vers 17h30 les voisins sont allés faire leur toilette dans le torrent, je les ai imité, en maillot de bain, un bon savonnage, un bon rinçage dans une eau qui ne doit faire que quelques degrés, ça vous requinque un bonhomme en moins de deux. J'en ai profité pour faire une petite lessive, et je puis vous dire que le gel de lessive en tube c'est encore mieux que le liquide de vaisselle pour ça ! Ce soir le linge est pratiquement sec, il n'y a que le bout des manches et le bas du tee-shirt qui sont encore humides mais ça finira de sécher sur la bête demain matin. Ce soir j'ai écouté les infos à la radio, j'ai appris les résultats du grand prix de France (le deuxième que je passe en montagne) ainsi que tous les autres résultats sportifs. Par contre à la météo ils m'ont fait peur car ils ont annoncé de la pluie pour demain sur l'Aquitaine et Midi-Pyrénées, alors que hier matin, samedi, j'ai pris la météo de montagne par téléphone et ils étaient optimistes au moins jusqu'à mercredi. Qui croire ? On verra ça demain.

 

Lundi 1er juillet 1996 - 19h40

 

La nuit s'est bien passée, je n'ai pas eu froid, il faut dire qu'il avait fait très chaud dans la journée. Je me suis réveillé à 6h, le réflexe de tous les matins, quel temps fait-il ? Un rapide coup d'œil à travers la moustiquaire me fait apparaître un magnifique ciel bleu. Je me lève vers 7h car j'entends mes voisins qui s'affairent certainement à plier leur camp d'après les bruits que j'entends. Après avoir pris le petit déjeuner, j'en fais autant. Il fait frisquet quand même, le soleil n'a pas fait son apparition, il est encore caché derrière la montagne, mais il éclaire déjà les sommets, cela offre un joli spectacle. En plus le matin la visibilité est très bonne. Je vais attendre que le soleil soit un peu plus haut que l'éclairage soit bon pour faire des photos. Il est 8h25 lorsque je lève l'ancre. J'ai un dénivelé de 700 m sur une distance relativement courte, donc le sentier sera raide. Au bout d'une demi-heure de marche, j'arrive au niveau d'une tente dont un des occupants sort au moment où j'arrive. "Bonjour ! " lançais-je à son encontre, " bonjour ! " me répondit-il avec un fort accent étranger. Ce sont deux Hollandais, ils sont passés hier soir à notre campement vers 21h30, cela m'avait d'ailleurs surpris de voir des randonneurs marcher encore à cette là d'un pas décidé. Ils me demandent dans un français assez rudimentaire s'il y a beaucoup de neige au col. Je leur réponds que justement j'avais des nouvelles fraîches grâce aux 3 "collègues" qui ont campé avec moi, je les rassure mais leur précise que d'après la météo il devrait pleuvoir donc ne pas trop traîner. Je continue mon chemin. Un peu plus tard j'arrive en vu du col mais avant il y a un névé de 200 m de long environ en pente moyenne à franchir. Pendant ce temps je remarque que le ciel commence à se couvrir de plus en plus. je passe le névé assez péniblement car contrairement au sol ferme, sur la neige même dure le pied qui prend appel a tendance à s'enfoncer ou à glisser un peu, ce qui augmente l'effort de marche. J'arrive enfin au sommet de cette fameuse Hourquette d'Arre à 2485 m. Je fais une petite halte et en profite pour sortir le talky-walky. Aujourd'hui j'ai fait mon premier contact en direct avec des collègues radio-amateurs dans le 81. Une dernière photo côté Gabas et je reprends mon chemin. Je reconnais en dessous les lacs et le col d'Auzious que j'ai fréquenté l'an passé. Je scrute le ciel, il est moins menaçant, c'est bizarre, on voit les nuages passer au dessus de la barrière montagneuse que forme la Hourquette d'Arre et les montagnes adjacentes, puis ils se disloquent au dessus de la vallée. Tant mieux, tant mieux... J'arrive à un endroit où le sentier est très escarpé et à côté de ce passage accidenté il y a un magnifique névé tout en longueur qui a l'air de court-circuiter cette zone rocheuse. Je me laisse tenter et je prends par le névé qui se présente avec une pente assez importante tout de même, je vais essayer de le descendre en "ramasse" (en courant à grands pas). Et hop, c'est parti ! Ouais, super ! je descends à pas de géant avec mes 90 kilos de PTC (Poids Total en Charge) je me retrouve rapidement en bas du névé sans encombre, mais j'ai beau chercher je ne trouve plus les balises du GR. Je consulte ma carte (au 25 000ème) hé bé ! le GR est loin, dans cette aventure j'ai manqué un embranchement et il me faudrait remonter pratiquement tout le névé pour le retrouver. Tant pis, je continue à marcher à vu car je vois le lac d'Anglas en contre-bas où le GR passe. Je me suis engagé dans une voie difficile. J'ai manqué à trois reprises de me casser la pipe, une fois sur un névé où je suis parti en glissade sur une dizaine de mètres, impressionnant et surtout rafraîchissant pour le "fondement", une autre fois glissade sur du gravier, atterrissage brutal sur le même endroit que précédemment, mais la plus dangereuse fût celle où j'ai glissé sur une marche herbeuse alors que mes semelles étaient mouillées et que je me suis retrouvé assis les deux jambes pendues dans le vide et moi accroché à mon sac, pour une fois c'est lui qui m'a retenu car je suis tombé en arrière. Je suis resté 1 bonne minute dans cette position avant de me remettre de cette émotion et de me sortir de cette situation. J'étais au sommet d'une petite falaise d'une dizaine de mètres seulement mais tout de même... Je suis arrivé au petit lac sur le coup de midi pour le casse-croûte. Ensuite le chemin restant s'est déroulé tranquillement et sans encombre. Je suis arrivé au gîte refuge du CAF à Gourette vers 14h30, j'ai eu le temps de laver mes deux paires de chaussettes, de prendre une douche, me raser car cela faisait trois jours que je ne l'avais pas fait. Vers17 heures le brouillard est tombé subitement accompagné d'une petite bruine, finalement la météo avait vu juste (à la radio). Demain si ce temps persiste je ne vais pas m'amuser pour mon arrivée à Arrens qui marque la fin du premier topo-guide, soit 270 km bouclés.

 

Mardi 2 juillet 1996 - 20h35

 

Lever à 8h, un rapide coup d'œil par la fenêtre du chalet confirme mon impression, il pleut ! et un brouillard à couper au couteau. Je me lève tout de même pour déjeuner. La gérante du refuge m'a laissé une demi flûte de pain car il ne m'en restait pas beaucoup. Elle m'a laissé également une petite TV portable car j'étais tout seul et elle avait peur que je m'ennuie. Elle voulait revenir ce matin à 8 heures pour me préparer le petit déjeuner, je l'en ai dissuadé car suivant le temps qu'il ferait, je ne partirai certainement pas très tôt, donc j'avais tout mon temps. Je décide d'attendre un peu pour voir la tournure que cela allait prendre. Vers 10 heures je vais faire un tour au centre du village où se trouve l'office du tourisme car ils y affichent la météo locale. Celle-ci annonce de belles éclaircies pour l'après-midi. Il ne pleut plus, le brouillard joue au yo-yo, tantôt il monte de la vallée et à d'autres il disparaît presque. Je pars à 10h30, j'attaque le col de Tortès d'entrée, il culmine à 1799 m, j'y arrive vers midi et décide de m'arrêter pour manger. Avant je fais un essai de radio, l'endroit est parfait car je réussi à contacter 2 copains radio-amateurs, mais au bout d'un quart d'heure le brouillard arrive et je commence à ne pas avoir très chaud, j'abrège la discussion, je finis vite fait de manger et je reprends mon chemin. J'arrive sur une route goudronnée (quelle joie ! ), après un trajet de 2,5 km sur celle-ci, le GR bifurque sur la droite en direction d'un autre col moins élevé que le précédent. Enfin j'arrive au dessus d'Arrens, dommage qu'il y ait encore de la brume car j'aurais pu faire une belle photo. Il n'y a pratiquement plus de brouillard au niveau du sol mais le ciel est très chargé et il commence à bruiner. J'accélère le pas, heureusement je passe dans une forêt et cela m'abrite un peu. J'arrive à Arrens, il ne pleut plus, je vais au ravitaillement en premier dans une supérette que je connais bien car nous venons tous les ans dans cette vallée, le Val d'Azun. Ensuite je vais dans une cabine téléphonique pour appeler les amis qui tiennent un camping et un gîte à 5 ou 6 km de là pour que l'on vienne me chercher. Ça ne répond pas, à un moment j'ai songé faire de l'auto-stop mais avec mon gros sac à dos je vais faire peur aux automobilistes. Enfin, après plusieurs tentatives j'ai réussi à avoir quelqu'un. Gros étonnement de me voir tout seul avec ce gros sac et à pied. Je leur explique mon périple et ils sont admiratifs..."Bof ! c'est faisable puisque je le fais" rétorquais-je modestement. Enfin, je me retrouve dans un gîte pour moi tout seul, je prends une bonne douche et je me fais la popote. je me suis offert un vrai repas ce soir, une boîte de cassoulet et une petite bouteille de Bordeaux, ça changera un peu de l'ordinaire. Après le repas j'ai regardé la TV pour la deuxième soirée consécutive, et me suis couché vers 22h30. Pour demain la météo annonce de belles éclaircies encore une fois, j'espère que cette fois-ci elles arriveront vraiment, pas comme celles d'aujourd'hui que j'attends toujours. Enfin il n'a pas plu, c'est le principal.

 

Mercredi 3 juillet 1996 - 21h30

 

Réveil à 7h et lever aussitôt. Le ciel est couvert mais il y a des zones de ciel bleu. Dans la nuit je me suis réveillé vers les 3 heures et j'ai vu des étoiles à travers les carreaux. J'allume la radio tout en me préparant. Je suis prêt vers 8h30, je descends voir Gisèle, la propriétaire, pour récupérer mes chaussures que j'avais mis près de la chaudière car elles étaient mouillées, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je lui demande si quelqu'un peut m'amener à Arrens, elle se propose spontanément. Et me voici à 9h30 de nouveau sur le GR 10. C'est une longue route qui m'attend aujourd'hui, d'Arrens au col Ilhéou, 7h45 de marche d'après le topo-guide. Je tiens à arriver à ce col car il s'y trouve une cabane de berger où je pourrai passer la nuit, bien sûr j'ai l'autorisation des propriétaires. Au départ je me trompe de sentier et je prends celui qui fait le tour du Val d'Azun. Je regarde sur ma carte, ce n'est pas grave ils se rejoignent au bout d'un moment avec le GR 10, le seul inconvénient c'est qu'il a un dénivelé plus important de 150 m environ. Tant pis, je continue. J'arrive au lac d'Estaing, finalement le temps est très beau malgré quelques passages nuageux, les éclaircies étaient au rendez-vous. D'habitude lorsque je fais ce trajet lors des vacances, nous montons en voiture jusqu'au bout d'une piste forestière, mais aujourd'hui c'est à pédibus...Le plus dur reste à faire, il y a 1100 mètres de dénivelé à grimper, avec mes 15 kg sur le dos ça va être dur, bah ! j'ai de l'entraînement maintenant. J'ai effectué tranquillement le trajet, lentement mais sûrement et je suis arrivé à la cabane à 18 heures pile, soit un total de 8h30, moins une heure d'arrêt cela fait 7h30, moins que le temps prévu par le topo-guide. J'ouvre la porte de la cabane à l'aide d'une astuce que seuls les habitués connaissent, les propriétaires en sont venus à l'interdire car malheureusement des personnes sans scrupules en ont abusé en laissant leurs ordures, en faisant des détériorations et des graffitis plutôt douteux. C'est une cabane métallique préfabriquée avec une double toiture afin qu'elle résiste aux intempéries surtout en hiver car nous sommes à 2200 m d'altitude. A 21 heures j'ai fait le contact radio avec Alain comme prévu via le relais d'Auch, ça passait très bien. Il doit appeler à la maison pour donner de mes nouvelles. Il est 21h57, la nuit commence à tomber, j'ai un peu traîné. Je me suis pris en photo en train d'écrire le journal dans la cabane, grâce au retardateur. Bon je vais arrêter là pour ce soir, au fait la météo a annoncé le même temps pour demain donc ça devrait bien marcher, c'est le cas de le dire. Rendez-vous demain au refuge Wallon où je me renseignerai sur le trajet que je dois emprunter car il y a un col 2500 m et il y a souvent des névés même au mois d'Août, sinon je passerai par le lac de Gaube, ça sera plus long mais sécurité oblige.

 

Jeudi 4 juillet 1996

 

Je me réveille vers 6h45, j'allume la radio. Changement par rapport à la veille, la météo est des plus pessimistes, une grosse perturbation arrive sur la France et doit l'atteindre la nuit prochaine. Juste au moment où je vais attaquer de la haute montagne avec des bivouacs, cela me fait réfléchir. Je suis à 2h30 de Cauterets. Je choisis la solution de la sagesse, tant pis, je serai toujours à temps de repartir. A 11h30 je suis à la gare routière de Cauterets en train de prendre mon billet de retour. La suite m'apprendra que j'ai fait le bon choix, car un temps exécrable s'est installé pendant plusieurs jours et même la neige a fait son apparition, obligeant même les organisateurs du tour de France à annuler une étape de montagne. J'espère pouvoir repartir bientôt pour la suite de cette traversée fantastique car Banyuls est encore loin. J'ai quand même fait le tiers du chemin soit environ 300 km.